LES ECHINIDES DU CENOMANIEN DES  « VACHES NOIRES »

 

Les rochers, particulièrement abondants sur la plage entre Villers-sur-Mer et Houlgate, simulent un troupeau de vaches ruminant, d’où le nom donné à la falaise située au-dessus. Ces blocs calcaires, d’âge Cénomanien, ont glissé depuis le sommet de la falaise sur les argiles et marnes oxfordiennes. Ils contiennent de nombreux fossiles et particulièrement des oursins.

 

RAPPEL PALEOGEOGRAPHIQUE (Rioult, 1978 ; Breton, 1998) :


 

En Normandie, la transgression cénomanienne, il y a environ 95 millions d’années, a formé des dépôts carbonatés, riches en glauconie, connus sous le nom de « Craie glauconieuse » au Cénomanien inférieur. C’est cette formation qui est accessible aux « vaches noires ». Cette formation repose sur la gaize de l’Albien supérieur, elle existe aussi au nord du Havre, où elle est surmontée par la « Craie de Rouen » du Cénomanien moyen et supérieur.

La « Craie glauconieuse » contient une macrofaune abondante et variée dont :

 

n   des Ammonites : Forbesiceras largilliersianum, Hypohoplites,

Mantelliceras mantelli, M. saxbii, M. dixoni, Schloenbachia varians fréquente, Sharpeiceras rare...

n   des Nautiles : Cymatoceras radiatus et elegans.

 

n   des Bivalves : Entolium orbiculare, Merklinia aspera, Neithea quinquecostata, Spondylus striatus, des huîtres :  Rastellum carinatum, Pycnodonte vesiculare, des trigonies...

 

n   des Gastropodes : des pleuromères à l’état de moules internes.

 

n   des Brachiopodes : Cyclothyris difformis, Grasirhynchia grasiana.

 

n   Des bryozoaires et des Spongiaires.

 

n   Des dents de requins et des Crustacés.

 

n   Des Echinodermes.


 

 

Voyons en détail ces échinides :

 

 

 

 

LES OURSINS REGULIERS :

 

 

Les CIDARIDES entiers sont exceptionnels, généralement nous retrouvons des fragments de test ou plus souvent encore des radioles. Deux espèces sont identifiables :

 

·     Stereocidaris uniformis essenensis Schlüter, 1892, belle espèce caractérisée par ses aires ambulacraires formées de rangées verticales de tubercules non perforés égaux entre eux, et par ses aires interambulacraires formées de 4 à 5 plaques centrées par un gros tubercule perforé et non crénelé, situé au centre d’une aréole lisse. Le cercle scrobiculaire est entouré de 12 à 14 tubercules lisses, bien espacés. Le reste de la plaque est recouvert d’une granulation très dense et très serrée. Les radioles sont cylindriques, hérissées de rangées d’épines, sauf la zone avant le bouton. Le bouton est perforé mais non crénelé.

Stereocidaris uniformis essenensis : vue de profil.

 

·     Tylocidaris velifera Pomel, 1883 est surtout connu par ses piquants en forme de massue. Le Test de type cidaroïde comporte des tubercules primaires imperforés et non crénelés.

 

 

Les SALENIDES caractérisés par leur appareil apical en forme de dôme, toujours conservé, occupant la plus grande partie de la face supérieure. Les quatre espèces citées dans le Cénomanien sont différentiables par cet appareil apical. En plus des classiques plaques ocellaires et génitales, l’anus est surmonté d’une plaque surnuméraire, la suranale. Cette dernière excentre l’anus vers la zone ambulacraire chez les Salenia, vers la zone interambulacraire chez Hyposalenia et Goniophorus.

 

 

Les espèces présentes sont :

 

·     Salenia petalifera Desmarest, 1825, synonyme de Salenia scutiger Gray, 1835 est le plus gros des Salénidés de l’étage. Sa taille moyenne dépasse 15 millimètres.

     Salenia petalifera : appareil apical

 

·     Hyposalenia clathrata Agassiz, 1843, dont la taille moyenne est inférieure au centimètre, présente un test élevé avec un appareil occupant la presque totalité de l’apex.

Hyposalenia clathrata : vue apicale.

 

·     Hyposalenia pulchella Agassiz, 1838, synonyme de Peltates acanthoides Agassiz, 1838, a une taille moyenne identique mais se différencie par un test surbaissé et un appareil apical aplati occupant les 2/3 de l’apex.

 

·     Goniophorus lunulatus Agassiz, 1838, fait quelques millimètres, son apex est orné de sculptures géométriques en relief, ses aires interambulacraires possèdent de gros tubercules contrastant avec sa taille.

 

 

L’ordre des PHYMOSOMATOIDA,créé par Mortensen en 1904, inclus plusieurs familles dont les Phymosomatidae Pomel, 1883, les Diplopodiidae Smith et Wright, 1993 et les Emiritiidae Ali, 1990.

 

·     Tetragramma variolare Brongniart, 1822, qui appartient à la famille des Diplopodiidae, est aisément identifiable, par le dédoublement de ses pores apicaux chez l’adulte, par la présence de quatre ou six rangées de tubercules interambulacraires ambitaux et sous ambitaux perforés et crénelés, enfin par la présence de plaques ambulacraires ambitales trisociées.

    Tetragramma variolare : vue apicale.

 

·     Tiaromma michelini Agassiz et Desor, 1847, qui appartient à la même famille, possède simplement deux rangées de tubercules interambulacraires, en région ambitale et sus ambitale.

 

 

·     Polydiadema bonei Woodward, 1856, qui correspond au Pseudodiadema tenue de Desor, 1864, et au Pseudodiadema pseudo-ornatum de cotteau, 1864, est placé dans la famille des Emiratiidae Ali, 1990. Elle se caractérise par des tubercules perforés et crénelés, des plaques ambulacraires quinquesociées et composées de manière diadèmatoide, avec des tubercules secondaires interambulacraires absents en région sus ambitale et des auricules larges et fusionnés perradialement. Dans ce genre, les tubercules sont identiques de l’apex à la bouche, les tubercules secondaires étant cependant plus petits que les tubercules primaires.

Polydiadema bonei : vue apicale.

 

·     Allomma desori Woodward, 1856, qui correspond au Pseudodiadema normanniae de Cotteau, 1863, est l’Emiratiidae le plus original, avec une modification de la tuberculation de l’ interambulacre : à l’ambitus existe un seul volumineux tubercule crénelé et perforé ; en région adapicale ce tubercule devient atrophique, en région adorale, il est remplacé par une triple rangée de petits tubercules.

    Allomma desori : face apicale.

 

Les Arbaciidae (Gray, 1855) sont représentés par une seule espèce à Villers:

Cottaldia benettiae Cotteau, 1859.

Cottaldia benettiae : vue de profil.

 

Les Glyphocyphidae (Duncan, 1889) possèdent un test sculpté.

Glyphocyphus radiatus Hoeninghaus, 1826.

Glyphocyphus radiatus : vue de profil.

 

 

LES ECHINIDES IRREGULIERS SONT REPRESENTES PAR

6 GRANDS GROUPES ou FAMILLES :

 

 

 

Les Holasteridés ne possèdent ni lanterne d’Aristote, ni fascioles. Leurs aires ambulacraires sont à fleur de test,  non pétaloïdes, la bouche transverse est antérieure, l’anus supramarginal, l’ ambulacre impair est situé dans une gouttière peu marquée. L’appareil apical (Fig. 1) est allongé mais non dissocié, avec des ocellaires II et IV juxtaposées qui séparent les génitales antérieures (1 et 2)  et postérieures (3 et 4), la plaque génitale 5 est absente.

 

Ces oursins vivaient sur un fond marin meuble, plus ou moins enfouis dans la boue. Ils se nourrissaient de particules alimentaires contenues dans cette « boue crayeuse ». Les particules alimentaires étaient acheminées jusqu’à la bouche par la gouttière antérieure et sélectionnés par des podia péribuccaux spéciaux, les podia phyllodéens (Smith, 198).

 

·     Holaster nodulosus Goldfuss, 1829 qui correspond à l’Holaster carinatus de d’Orbigny, 1854,  a une face inférieure plane, l’ambitus est elliptique, la face supérieure possède deux types de tubercules, les uns de petite taille, les autres volumineux près de l’apex. Cette espèce est fréquente.

      Holaster nodulosus : vue de l’apex.

 

·     Holaster laevis Brongniart, 1822 est synonyme d’Holaster marginalis Agassiz, 1836, beaucoup plus rare, qui possède les même caractères qu’Holaster nodulosus y compris les deux types de tubercules à la face supérieure, mais dont l’ambitus est circulaire.

 

·      Labrotaxis cenomanensis d’Orbigny, 1855 est une superbe espèce également à face inférieure plane, mais pourvue d’une carène de chaque côté de l’ambulacre impair.

 

Les Micrastéridés sont des spatangues cordiformes, dont les aires ambulacraires sont pétaloïdes et creusées, sauf l’impaire située dans une gouttière antérieure. Ils vivaient enfoui dans le sédiment, comme les spatangues de nos côtes actuelles (Echinocardium, Spatangus). Le genre Epiaster très proches de Micraster ne possèdent pas de fasciole sous anal.

 

·     Epiaster crassissimus Defrance, 1827, est une superbe espèce qui peut dépasser 6 cm et, dont le bord postérieur possède un talon saillant.

·     Epiaster distinctus d’Orbigny, 1854, beaucoup plus rare en Normandie, ne possède pas de talon.

 

Les Hémiasteridés  sont des spatangues de plus petite taille, bien adaptés à la vie enfouie. Ils possèdent un  fasciole péripétal.

 

·     Hemiaster bufo Brongniart, 1822, est une petite espèce globuleuse d’environ deux centimètres, très fréquentes.

 Hemiaster bufo : vue apicale.

     Hemiaster bufo : profil.

 

 

Les Discoidés possède une forme de dôme, une face orale plane. De l’apex rayonnent 5 aires ambulacraires formées de pores unisériés au dessus de l’ambitus, de pores en arcs de 3 à la face orale. La bouche large, fortement incisée, était munie d’une lanterne d’Aristote. L’anus est situé à la face inférieure.

 

·     Discoides subuculus Leske, 1778 très abondant, fait moins d’un centimètre.

    Discoides subuculus : profil.

    Discoides subuculus : face orale.

 

Les Nucléolitidés sont caractérisés par la présence d’une floscelle péri-buccale.

·     Catopygus colombarius Lamarck, 1816 est synonyme de Catopygus carinatus Goldfuss, 1826.

     Catopygus colombarius : profil.

     Catopygus colombarius : face orale.

 

Les Galéritidés sont de toutes petites espèces typiques des sédiments fins et argileux.

Deux espèces sont reconnues au Cénomanien inférieur :

·     Echinogalerus faba Desor, 1842, peu fréquente en Normandie.

    Echinogalerus faba : face apicale.

 

·     Echinogalerus rostratus Desor, 1842 mesure quelques millimètres.

   

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

 

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